L'invasion des créatures

♦Le récit de Mikari:♦

Ce matin-là n’avait rien de différent, ressemblant sans aucun doute aux autres. Je m’étais levée, me préparant pour aller en cours, une routine habituelle. Dans la bonne humeur d’un matin doux et paisible, j’avançais de bon train dans les gigantesques rues de Tengoku, grande ville aux allures de Tokyo. D’ailleurs, le Japon me manquait pas tellement, il faut dire qu’ici tout semblait être identique à là-bas, à quelques différences près : tous les habitants n’étaient pas japonais, le panorama semblait diversifié, et la soit-disante ville traditionnelle n’était qu’une pâle copie de Kyoto. Enfin, ce n’étaient que de petits détails, je me sentais bien ici.

Le lycée n’était plus trop loin, j’allais être en avance pour une fois, mais je remarquai subitement que j’avais oublié des affaires à mon studio. Un demi-tour brusque, et je me mettais à courir dans les rues, évitant habilement les passants, il ne manquerait plus que je leur fonce dedans ! Ah ! Quelle imbécile j’étais, mais bon je n’allais pas en mourir, juste que ma bonne humeur venait de s’envoler à grands battements d’ailes.

Pour une raison inconnue, je me stoppai dans ma course effrénée. Mon studio n’était qu’à quelques pas de là, j’aurais dût tourner sur ma droite pour le rejoindre, mais au lieu de ça mon instinct me signalait quelque chose… une chose dont j’ignorais encore l’ampleur des dégâts. Tout mon corps se tendait vers une source encore inconnue, et alors je repris mon chemin, avançant à l’opposé de ma destination première.

Au centre de Tengoku se dressait une immense place, j’y allais souvent car on y trouvait des glaciers pas chers et bien bons, sans compter les boutiques de fringues qu’étaient mon petit péché mignon. Je m’arrêtai pour de bon, ne sachant toujours pas pourquoi j’agissais ainsi, surtout qu’à présent j’étais sûr d’être en retard aux cours. Vraiment, une déléguée être en retard… j’allais me faire tirer les oreilles ! Mais étrangement, je m’en foutais, j’avais l’impression d’être ailleurs…

Le vent commença à se lever, faisait virevolter les feuilles des arbres des environs, je sentais les pants de ma jupe de mon uniforme aller et venir contre mes cuisses, mes cheveux longs s’entremêlant pour former sans aucun doute de sacrés nœuds. Pourquoi le vent semblait si fort et si doux à la fois ? Je devais être la seule imbécile plantée devant la fontaine de la place attendant que quelque chose se produise. Mon regard restait accroché à la fontaine sans ciller. Ça arrivait. Je ne sais pas quoi, mais je le présentais. Pourquoi les gens ne s’en rendaient pas compte ? Étaient-ils donc trop occupés pour ne pas s’apercevoir que quelque chose d’anormal arrivait ?

Brusquement, le vent pris forme, une forme visible d’un ton bleuté, se rassemblant au-dessus de la fontaine. Des personnes alors s’arrêtèrent à leur tour, alertées par cette brusque lumière vive qui s’amplifiait de secondes en secondes. Elle allait me griller les pupilles, je dû alors fermer les yeux pour me protéger quand soudain une onde de choc me propulsa contre un arbre. J’ai cru que mes poumons allaient exploser sous le choc. La respiration coupée, je me redressai pour reprendre mon souffle. La lumière était toujours présente, mais moins forte et formant une sorte de sphère aplatie verticalement. Cette chose rayonnait, jetant quelques minuscules éclairs qui jaillissaient de ses entrailles. Qu’est-ce que c’était ? Tous les gens autour de moi devaient se poser la même question.

Les chuchotements s’élevaient doucement, n’osant pas s’exprimer à voix haute. Une certaine appréhension se faisait ressentir parmi les témoins de ce phénomène… anormal. N’étant pas du genre peureuse, mais plutôt curieuse, même très cuiseuse, je m’avançai vers la fontaine qui m’avait déjà repoussé et plutôt violement. J’aurais bien aimé en faire le contour pour voir si l’espèce de sphère avait la même tête de derrière, mais un autre évènement se produisit brusquement, me faisant presque sursauter.

Un nouveau rayonnement jaillit de la faille se propulsant juste en face de moi. Le jet de lumière prit alors une nouvelle forme : une forme humaine. C’était une mauvaise blague n’est-ce pas ? La lumière disparut alors faisant place à un jeune homme, sans doute un peu plus vieux que moi… mais désolé de le dire, c’était un canon ! Je suis aussi du genre à avoir un cœur d’artichaut… Il souriait d’un sourire… effrayant. Genre c’était normal d’apparaitre comme ça, d’ailleurs on ne sait pas comment, et de ne pas paraitre perdu !

Alors que ses yeux se posaient sur moi, il me prit pour cible, tant mieux j’avais des tonnes de questions sur le bout de la langue comme de savoir… quel était son nom. Il s’approcha et me lança d’un ton… carnassier ?
_ Hé ! On est bien sur Terre ?
Quoi ? Déjà une question pareille vous stoppait direct. Bien sûr qu’on était sur Terre, où pouvait-on être à part ici ?
_ Euh, oui.
_ Ahh ! Super ! Ça fait du bien de revenir ici.
Je dois vous avouer que j’étais sur le cul. Un dialogue pareil en ferait frémir plus d’un. De plus en plus surprise, je rétorquai vivement :
_ T’es qui ? Ça veut dire quoi tout ça ? Et comment t’es arrivé là ?
_ Moi ? J’suis Tochiro. Comment je suis arrivé ici ? Ben, par la brèche, t’as pas vu ou quoi ?
Ben oui, logique ! Ça m’avançait pas plus que ça de savoir ça… N’empêche, il avait beau avoir un look d’enfer, son ton me déplaisait plutôt…
_ Oh, fait, je ne serais pas le seul à venir ici. On est plutôt nombreux si tu veux savoir.
_ De quoi ?
Je le regardais d’un air incrédule, qu’est-ce qu’il racontait ? Qui allait venir ?
_ On est de retour, et vous pauvres humains que vous êtes, vous allez en pâtir, j’peux te l’assurer.
_ Humain ? C’est qui ce « on » ? C’est quoi ton charabia là ? Tu pourrais expliquer plutôt que de parler en énigmes !
_ Hmm… Tu le mérites au moins ? Ah, me regarde pas comme ça ! Tu ferais presque peur ! Bien, tu veux savoir ? Ce « on » c’est toutes les créatures fantastiques que vous avez refoulé, vous petits humains merdiques. Je sens que ça va être drôle de vous tourmenter…

Créatures fantastiques ? J’avais l’impression que quelque chose d’horrible se préparer… J’allais répliquer qu’il délirait complètement, et qu’un voyage dans un centre pour attardés lui ferait du bien, mais de nouveaux rayons semblables à celle de son apparition, se projetèrent hors de la « brèche ». Des jets de lumière ne cessaient d’apparaitre et de disparaitre, laissant leurs places à d’autres êtres… et parmi eux des créatures comme dans les livres de fantasy. Enfin je compris ce que voulait dire ce Tochiro. Déjà la foule qui s’était rassemblée, commençait à s’éparpillé dans des cris de détresse. La folie venait de débuter, et moi je me trouvais au centre de cette pagaille monstre. C’est ainsi que les créatures apparurent pour la première fois dans notre petite ville adorée semant le trouble. Et dire que c’était un matin comme les autres… peut-être pas finalement.